LES AUXERROIS D’AVANT 1600

ET LES PIÈCES D’ARCHIVES LES FAISANT REVIVRE  

par Pierre Le Clercq

 

  Ouvrage publié en quatre volumes

à la mémoire des deux fondateurs de l’état civil à Auxerre :

Jean Delorme, curé de Saint-Pierre-en-Vallée,

qui a noté les actes de baptême de ses ouailles dès l520,

et Jean Sire, vicaire de Saint-Regnobert, qui dès 1529

a rédigé les actes de baptême, de mariage et de sépulture de ses fidèles,

et leurs testaments, pestant contre les prêtres qui ne faisaient pas comme lui.

 

 

INTRODUCTION

 

       La généalogie est la mère de l’histoire. Depuis les temps les plus reculés, et dans toutes les communautés humaines, les hommes et les femmes n’ont cessé de s’intéresser à la vie de leurs ancêtres, ressuscités sous forme de récits. Les textes les plus anciens sont construits autour de personnages dont l’ascendance, réelle ou légendaire, a été retracée en toile de fond. On le constate aussi bien dans les contes islandais que dans la Bible. L’intérêt que les historiens portent aujourd’hui aux chiffres décrivant les grandes évolutions économiques et sociologiques n’est qu’un phénomène récent, qui n’en plonge pas moins ses racines dans une quête plus fondamentale : la redécouverte de tous les liens qui nous unissent à nos devanciers, aux femmes et aux hommes qui nous ont donné vie.

       Ces liens sont avant tout familiaux. C’est sur ce constat que repose l’engouement actuel pour la généalogie, vécue par ceux qui s’y adonnent comme un véritable retour aux sources mêmes de l’histoire. Longtemps décriée comme n’étant qu’un outil permettant aux vanités de s’exprimer, où ne seraient tissés, par des rats de bibliothèque, que les liens pouvant rattacher un client fortuné à la noblesse ou au patriciat, la généalogie s’est ouverte depuis une trentaine d’années à toutes les couches de la société, s’efforçant de faire revivre les simples journaliers aussi bien que les rois. Les généalogistes modernes, amateurs pour la plupart, peuplent désormais tous les dépôts d’archives, cherchant à reconstituer la biographie de chacun de leurs ancêtres, grands et petits. Devenus peu à peu des experts de l’histoire des familles, ces nouveaux érudits exploitent à fond toutes sortes de documents, outre les registres paroissiaux et d’état civil, accumulant ainsi de nombreuses données sur les gens qui les ont précédé. Grâce à leurs efforts, les cercles généalogiques qu’ils ont fondés un peu partout en France, et dans le monde, ont pu publier des monographies familiales et des tables de mariages, fort utiles à tous les chercheurs.

       Dès sa fondation en 1981, la Société généalogique de l’Yonne a mis l’accent sur la qualité de ses publications. Elle s’est fait un devoir d’inciter ses adhérents à participer à des travaux collectifs d’envergure et à prendre la plume pour rédiger des articles divers retraçant l’histoire des familles du département. Les travaux ainsi recueillis et publiés constituent à présent un fonds documentaire appréciable, dont une partie peut être consultée à distance sur le site électronique de la Société.

       C’est dans le cadre de cette politique éditoriale qu’a été entreprise la collecte des actes notariés, et autres, concernant les gens ayant vécu à Auxerre avant 1600. Cette tâche gigantesque était destinée, de par ses proportions, à alimenter uniquement le site électronique de l’association. Mais les progrès techniques récents dans le domaine de l’imprimerie, permettant enfin de publier à moindre coût des ouvrages à très faible tirage, ont réorienté le président de la Société généalogique de l’Yonne vers un mode de publication plus classique, sous forme de texte imprimé. Les fichiers informatiques, en effet, sont tributaires de la technologie en constante évolution permettant de les lire, ce qui les rend trop vite périssables si l’on ne veille à les transférer régulièrement, et de plus en plus souvent, sur des supports plus modernes. Seuls les textes couchés sur papier traversent sans peine les âges pour le moment. Ce sont eux qui sont conservés dans les bibliothèques et transmis aux générations futures. Ce sont eux que liront les chercheurs de demain, tandis que les fichiers numériques actuels auront tous disparu.

       Le présent ouvrage, consacré aux Auxerrois d’avant 1600, n’est pas un inventaire d’actes où les gens cités seraient tous refoulés dans un index alphabétique final renvoyant à des pages antérieures. Conçu dans un esprit généalogique, centré sur les personnages plutôt que sur les faits, il ressemble plus à un dictionnaire biographique dont les notices, regroupant plusieurs copies d’actes réécrits avec les mots d’aujourd’hui, permettent de faire revivre les anciens habitants d’Auxerre. Certes, les esprits chagrins pourront objecter que ce choix n’est pas économique, puisqu’une même copie d’acte apparaît en général dans les notices de plusieurs personnages, dont certains figurent ensemble à la même page. Toutefois, quand bien même la formule classique de l’inventaire d’actes aurait permis de réduire considérablement le volume de l’ouvrage, ce n’est point ce simple aspect matériel qui a dicté nos choix. Nous avons voulu parler avant tout des gens, bien distincts les uns des autres, qui ont peuplé la ville d’Auxerre avant 1600. Chacun d’eux a droit à sa propre biographie, même si cela implique des répétitions de copies d’actes d’un personnage à l’autre. Ce parti pris a permis de suivre à la trace, à l’occasion d’événements nombreux et variés, certains Auxerrois beaucoup plus actifs que les autres. C’est le cas de Mathurin Breton, originaire de Lindry, dont on connaît à présent la vie de façon détaillée, grâce à l’accumulation impressionnante d’actes le concernant.

       Le travail n’est cependant pas terminé. La présente publication ne constitue qu’une étape, rendue nécessaire par la masse énorme des données déjà rassemblées. D’autres volumes paraîtront par la suite, qui viendront enrichir les biographies déjà mises à la disposition des chercheurs. Attendre que tous les dépouillements soient terminés pour tout publier d’une traite eût été risqué : chacun sait que la quête de la perfection et de l’exhaustivité est stérile. Plutôt que de laisser moisir nos relevés en cours dans les tiroirs, il est préférable de les livrer tels quels au public, sans attendre une hypothétique fin des travaux. C’est la raison d’être du présent ouvrage, incomplet mais fournissant à tous des copies d’actes à foison.

Pierre Le Clercq, à Auxerre le 19 février 2004.